Réflexions sur l’être et la liberté

Il dormait. Le sommeil l’avait terrassé tandis qu’il réfléchissait à ses choix existentiels. Dans les rayons de la bibliothèque plaçés derrière lui, entre deux gros livres rouges, deux petits hommes étaient assis, là.

ils étaient présents et pourtant n’appartenaient pas au temps. C’étaient des Africains très anciens, plutôt petits de taille et portant des chaînes aux pieds avec des boulets énormes qui ne semblaient pas les gêner.

Ils étaient préoccupés, car le dormeur était un descendant de leurs descendants. En tant qu’ancêtres ils étaient revenus vers lui.

Il y a très longtemps, des hommes blancs étaient venus dans leur forêt pour les en chasser. Ils étaient venus dans leur forêt comme le tonnerre, et eux avaient basculé, chaviré.

Ces ancêtres y vivaient en se nourrissant du langage des arbres ,du chant de la rivière, de la caresse du vent, et du lait de la terre. Cette vie actuelle portait une déchirure permanente.

Ils étaient seuls, dans une nouvelle terre qu’ils ne connaissaient pas,  ayant perdu tous leurs repères. Les hommes blancs étaient l’unique lien avec ce qu’ils avaient connu d’humain. Leurs chaines signaient le fait qu’ils étaient rattachés à une espèce qui leur ressemblait.

Assis maintenant sur les rayonnages de cette pièce, les petits hommes expliquaient au dormeur qu’ils s’étaient mis à aimer… leurs chaines. Elles étaient le seul lien tangible avec les autres hommes. Ayant tout perdu autour et en eux, ils en étaient arrivés à aimer cette preuve de leur existence dans la relation à l’autre. On pense aux enfants des Philippines qui retournent dans la rue préférant encore la violence sexuelle à l’ignorance.

Le lien, même opprimant, était préférable au néant. Les ancêtres avaient transmis ce boulet à leurs enfants , mais à l’intérieur de celui-ci, ils avaient déposé tout qui était resté gravé dans leur coeur, les moments de vie au creux du lit de leurs arbres.

Les chaines étaient à la fois le lieu de la survie, et l’endroit de leurs rêves du monde à retrouver.

Perplexes , les deux petits hommes ne savaient  comment ils allaient se glisser dans le rêve du dormeur, ils devaient trouver le code pour atteindre son esprit.

La survie tient à peu de chose et cet homme là était précieux pour eux. Il devait transmettre leur sang et retrouver le lien avec leur âme, avec le vivant, avec l’amour qu’ils avaient vécus avant le tonnerre.

Aimer sans s’aliéner, pouvoir recevoir sans limites ce qui est sans limites.

 

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